Le Lubitel 2
Le Lubitel 2 (en russe, Amateur 2) est un appareil photo TLR au format 6×6. TLR veut dire Twin Lens Reflex ou reflex bi-objectif. Il accepte des pellicules au format 120 qui mesurent 6 cm de large. Avec une pellicule, on obtient 12 photos carrées d’environ 5,5 cm de côté. Il a été produit par la société soviétique Lomo (Leningradskoïe Optiko-Mekhanitcheskoïe Obiedinienie, signifiant Association optico-mécanique de Leningrad) de 1955 à 1977. Il est facile à trouver dans les vides-greniers et autres foires d’occasion à des prix variant de 15 à 90 euros. C’est une copie de l’appareil allemand Voigtländer Brilliant. Grosso-modo, il ressemble à un Rolleiflex. Il est muni d’un objectif de 75 mm à f/4,5. Pour une photo 5,5 x 5,5 cela donne un angle de champ de 40 degrés.
Rappelons que la focale normale 50 mm d’un 24 x 36 donne un angle de champ horizontal de 40 degrés. Il n’a pas mauvaise réputation même si le cadrage et la mise au point restent assez délicats. Il est considéré comme un bon moyen d’aborder le moyen format.
Celui que j’ai acheté d’occasion est muni d’un étui en simili cuir fleurant bon le matériel soviétique des années cinquante. Avec son capuchon protège objectifs, il paraissait en bon état bien que très poussiéreux.
Au dos, une petite fenêtre rouge inactinique muni d’un volet d’obturation permet de voir défiler la pellicule et les numéros des photos. L’appareil est muni à sa base d’un trou fileté au pas Whitworth 1/4 de pouce avec 20 filets par pouce (pas « Kodak »). Il peut ainsi se monter sur n’importe quel pied.
L’objectif du viseur (1) est en haut. Attention à la parallaxe.
L’objectif photo (2) est entouré de 7 excroissances métalliques :
(3) : armement du déclencheur
(4) : déclencheur
(5) : trou fileté pour déclencheur souple
(6) : prise synchro flash
(7) : armement du retardateur
(8) : réglage continu de la vitesse avec des indications à 250, 125, 60, 30 15 et pose B
(9) : réglage continu de l’ouverture avec des indications à 4,5 5,6 8 11 16 et 22.
La visée se fait sur le dessus, en tenant l’appareil contre la poitrine ou sur un tripode, après avoir ouvert le capot ce qui déploie des lames faisant pare-soleil. L’image apparaît inversée horizontalement dans le viseur, ce qui rend le cadrage délicat. La mise au point se fait sur un dépoli qui peut être agrandi au moyen d’une petite loupe repliable. Il faut alors mettre l’œil à quelques centimètres du viseur, d’où l’intérêt du tripode.
Bien que ce Lubitel 2 paraissait en bon état, il fallait en vérifier le bon fonctionnement. Ce que nous avons fait en profitant d’une sortie photographique au cimetière du Père-Lachaise. Le Lubitel 2 était alors muni d’un rouleau de 12 photos N&B Ilford FP4 Plus 125 ISO (5 € le rouleau). Il était monté sur un tripode et nous avons systématiquement utilisé le retardateur. Comme cellule, nous avons utilisé les indications fournies par notre APN Canon EOS D. Nous avons eu l’occasion ultérieurement de vérifier que ces informations étaient les mêmes que celles fournies par une vraie cellule Gossen Sixtomat Flash.
Le temps était couvert mais assez lumineux. Toutes les photos ont été prises à f/11 pour obtenir une bonne profondeur de champ. La vitesse était souvent au 1/100e.
Un gardien du cimetière nous a rappelé à l’ordre. Il est interdit d’utiliser des trépieds dans le cimetière du Père-Lachaise. Mais on peut demander une autorisation au bureau du cimetière. Ce que nous avons fait. Il est vrai qu’avoir un APN sur le ventre et un ersatz de Rolleiflex sur un pied donne une allure de photographe professionnel qui peut prêter à confusion. Une dame très courtoise nous a expliqué les règles en vigueur :
– il est en principe interdit de photographier les tombes qui sont privées, bien que ce soit impossible à contrôler ;
– il est permis de photographier des vues générales et les monuments publics qui appartiennent à la Ville de Paris (chapelles, Mur des Fédérés) ,
– il est recommandé de ne pas publier de photos de tombes privées sur Internet ; il existe des familles parfaitement au courant de leurs droits, procédurières qui n’hésiteront pas à réclamer des dommages et intérêts aux photographes imprudents.
Dans la planche contact ci-dessous, certaines photos sont floutées.
Le film a été développé au labo du Club avec du révélateur XTOL dilué à 1+1, 10 minutes.
Il a été scanné avec un scanner Canoscan 9000F à 2400 pixels par pouce produisant des images 16 bits au format TIFF non compressé. On obtient des images de plus de 25 Mpixels pesant plus de 50 Moctets.
Un autre scan a été réalisé en 600 pixels par pouce et 8 bits, envoyé vers Photoshop pour confectionner une sorte de planche contact.
À part une presque complètement blanche, et trois plutôt pâles, les images paraissent toutes exposées correctement. Il n’apparaît pas de vignettage. La photo blanche s’explique par un déréglage malencontreux de la vitesse lors de l’armement du retardateur. Un Lubitel 2 exige des doigts très fins. Il n’y a pas de données EXIF sur une pellicule. Il apparaît alors nécessaire de partir avec un carnet et un crayon, de noter les données de chaque photo pour pouvoir a posteriori comprendre les erreurs d’exposition. Les photos scannées en 16 bits se travaillent facilement avec Photoshop.
Sur cette dernière photo, la mise au point a été effectuée sur la fin de l’allée à environ une centaine de mètres. À f/11 et une focale de 75 mm, les calculateurs de profondeur de champ indiquent une zone nette d’environ 8 mètres à l’infini.
On ne peut pas dire que le piqué soit fabuleux. Est-ce dû à l’optique, aux saletés visibles sur les lentilles, à la mise au point, au scanner ?
À quoi ça sert ?
L’utilisation de ce genre d’appareil permet de re-sacraliser le fait de prendre une photo. Le trépied est presque obligatoire. Le cadrage et la mise au point sont laborieux. Il faut mesurer la lumière avec précision et régler l’appareil avec soin. La pellicule coûte relativement cher. Nous étions limités 12 photos pour une sortie. Il faut réfléchir à ne prendre que des photos intéressantes et il est hors de question d’essayer différents cadrages ou zooms. Il est conseillé de prendre des notes. Le développement prend du temps, le scan aussi. Les photos reprennent de la valeur.
Bravo Gilbert pour cet article très intéressant, et aussi pour les photos.
Pour un coup d’essai, c’est plutôt réussi. Bernard
Sublime ! J’aime particulièrement les 2 dernières. Je crois que je vais ressortir mon Lubitel 2 à mon tour…