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Le Photax

 

Le Photax est un appareil photographique français produit de 1947 à 1951 à Vitry-sur-Seine par la Manufacture d’Isolants et d’Objets Moulés (M.I.O.M). Il y a eu plusieurs versions. Celui en notre possession, acheté 10 € à une ancienne membre du Club, est le modèle Photax III VA. Les Photax ont été produits en grande quantité et se trouvent facilement pour quelques euros dans les vide-greniers.

 

Fabriqué en bakélite, le Photax accepte des films au format 620, format lancé par Kodak en 1932, en remplacement du 120 et arrêté en 1995. Le film est identique à celui du format 120 soit 6 cm de large. Seule la bobine est plus fine grâce à une fabrication en métal. Les bobines du 120 étaient originellement en bois, d’où leur épaisseur. En chambre noire, on peut rembobiner un film 120 sur une bobine 620 pour continuer à utiliser les appareils 620. On peut aussi bricoler le Photax et démonter la lame qui se trouve coté bobine débitrice. On peut alors y placer une bobine 120 neuve. Mais il faut impérativement avoir une bobine réceptrice 620.

Avec un rouleau 120 standard, le Photax produit 8 photos d’exactement 5,5 cm x 8,2 cm.

 

C’est un appareil extrêmement rudimentaire. L’objectif est constitué d’une simple lentille. Sa distance focale est inconnue mais on peut l’évaluer simplement en mesurant la distance entre la lentille et le plan du film. Il y a un détail remarquable. Le film n’est pas maintenu dans un plan mais sur une portion de cylindre de façon à maintenir constante la distance horizontale entre le film et le centre de la lentille. Sur ce sujet un forum de Chasseur d’Images indique :
« La lentille était affectée de tellement de maux que le concepteur du boîtier en bakélite avait courbé le passage du film pour en réduire les effets.  »

Puis, dans le même forum :
« C’est pour coller au mieux à la courbure de champ de la lentille. Pratiquement tous les appareils simples avec ménisque à concavité tournée vers le film et diaphragme derrière le ménisque font pareil.
De nos jours encore, certains appareils très simples ont cette caractéristique. Dans le temps, les appareils de type Box étaient équipés d’un ménisque de Wollaston, avec concavité tournée vers le sujet et diaphragme devant l’objectif. Le champ est plan, mais avec la disposition du genre de celle du Photax, la compacité est meilleure. »
(http://www.chassimages.com/forum/index.php?topic=57682.0)

On mesure le rayon de ce cylindre soit une focale d’environ 90 mm. Comme la plupart des appareils à focale fixe, il est probablement réglé sur l’hyperfocale. Donc la vraie focale doit être un peu plus courte que 90 mm. Nous sommes proches de la focale standard. Elle est de 75 mm sur le Lubitel 2 qui utilise les mêmes films.

Le fond du boitier du Photax est muni d’un trou fileté permettant de le fixer dans un très bel étui en vrai cuir. La vis n’est pas au pas « Kodak ». Il faut un peu bricoler pour pouvoir utiliser le Photax sur un trépied.

 

Démontage

 

 

Le Photax se démonte très facilement. Sur l’avant deux vis permettent d’enlever une plaque d’aluminium qui a uniquement une fonction décorative. Apparaissent deux autres vis qui permettent de sortir une pièce de bakélite circulaire qui porte la lentille et une platine mécanique qui d’un côté porte l’obturateur et son déclencheur et de l’autre une plaque métallique mobile, percée de deux trous : les deux diaphragmes. Tout cela un monté sur un barillet cylindrique avec un moulage hélicoïdal qui permet de rentrer « l’objectif » quand l’appareil n’est pas utilisé.

Les deux diaphragmes mesurent respectivement 5 et 3 mm de diamètre.

 

 

 

 

 

Une inscription moulée dans la bakélite à l’intérieur du dos de l’appareil mentionne : « Cet appareil emploie les bobines de toutes marques du type « à joues réduites » ». Ça, c’est pour le format 620.

Il est aussi écrit : « Image au point de 2,75 m à l’infini. » Ça, c’est pour l’hyperfocale.

La lentillle est de type Boyer série VIII. Un article Internet retrace l’histoire de l’entreprise Boyer : http://www.galerie-photo.com/boyer-optique-objectif.html

Le Photax est muni de quatre boutons :

  • le réglage de la vitesse d’obturation : 1/100, 1/25 et pose B ;
  • le réglage de l’ouverture : position 1 et 2, correspondant à des ouvertures respectives de f/16 et f/28 (cf. infra le calcul d’ouverture) ;
  • le déclencheur muni d’un trou conique fileté permettant d’installer un déclencheur souple ;
  • sur le haut à gauche, le bouton d’avancement du film est on ne peut plus simple.

Il est équipé d’un viseur. Un viseur ? Sur le dessus, un simple trou rectangulaire muni de vagues lentilles en plastique. Très, très rudimentaire !

Le Photax est léger, 388 grammes en ordre de marche, 546 g avec l’étui en cuir. Le Lubitel 2 pèse 750 g. Le Canon EOS 600D avec un objectif « normal » de 28 mm f/1,4 pèse 843 g.

C’est donc l’appareil idéal pour prendre l’avion et aller crapahuter en Tanzanie y shooter les éléphants. Sa facilité de démontage le rend très facile à nettoyer après être tombé dans le marigot. Attention aux négatifs lorsqu’on traverse les portiques de sécurité à l’aéroport.

Trêve de plaisanterie.

 

Est-ce que ça fait des photos.

 

Le plus simple c’est d’essayer. J’ai donc chargé le Photax avec un rouleau N&B Ilford FP4 Plus 125 ISO côté droit et une bobine réceptrice métallique à joues réduites coté gauche. Et je suis allé photographier la Cité Menier à Noisiel, muni du posemètre Gossen Sixtomat Flash du Club. Pour ne pas avoir d’ennui avec les ayants droits procéduriers, je n’ai photographié que les monuments publics. Ça tombe bien, je n’ai droit qu’à 8 photos par rouleau.

Après une première séance de repérage, il fallait attendre un jour propice avec temps gris. Étant totalement débutant dans l’emploi du posemètre, j’ai pensé qu’il valait mieux n’avoir pas assez de lumière et d’utiliser la pose B que de saturer les photos. En fait, entre f/16 au 1/25e et f/28 au 1/100e, il y a presque 4 IL (3,7) ce qui laisse de la marge d’autant plus que la FP4 Plus est assez tolérante aux erreurs d’exposition. Cependant, sans expérience, l’emploi du posemètre est indispensable pour régler son appareil, aussi rudimentaire soit-il.

Toutes les photos ont été faites sur trépied, au déclencheur souple, f/16 au 1/25e. Le film a été développé au labo du Club avec XTOL dilué à 1+1, 10 mn puis scanné avec un CanoScan 9000F. Voilà le résultat.

Oui, ça fait des images. L’exposition est correcte, le piqué est lamentable. Souvent à cette époque, les photos n’étaient pas agrandies et on se contentait d’un simple contact. Dans ce cas les photos paraissent nettes. Bizarrement la première photo est tronquée. Je n’ai pas d’explication.

 

À quoi ça sert.

 

L’extrême simplicité du Photax et la facilité avec laquelle il se démonte rendent tangibles les concepts utilisés en photographie. On peut toucher la lentille, voir les diaphragmes, l’obturateur. On peut même en profiter pour faire de la science amusante et essayer de mesurer ou calculer la focale et l’ouverture du Photax.

 

Science amusante : l’optique géométrique pour les Nuls

 

Les lois de l’optique géométrique, applicables aux lentilles minces et établies par Snell en 1621 puis Descartes en 1637, sont très simples. Une lentille mince est une lentille dont l’épaisseur est faible devant les rayons de courbure de ses faces et devant la différence des deux rayons de courbure.
J’ai dessiné ci-dessous une lentille plan-concave vue en coupe. Une face est plane, l’autre est sphérique et concave. C’est une lentille convergente. Elle possède un axe optique évident qui passe par le centre virtuel de la sphère et est perpendiculaire au plan. Les rayons focalisent dans un plan, le plan focal, situé  à la distance focale de la lentille. Comme la lentille est mince, on commet une erreur négligeable en mesurant cette distance à partir de l’une ou l’autre face de la lentille.

En pratique, une lentille mince n’est pas si courante. L’objectif d’un appareil photo moderne n’est pas une lentille mince. Au contraire il est constitué de l’assemblage de plusieurs lentilles qui elles-mêmes ne sont pas minces. Mais les calculs des lentilles minces sont tellement simples que ce modèle permet de bien comprendre les bases de ce qui se passe dans un appareil photo.

Il y a deux lois simples à retenir :

  • tous les rayons lumineux qui passent par le centre de la lentille ne sont pas déviés ;
  • tous les rayons lumineux qui arrivent parallèlement convergent dans le plan focal.

Dans le schéma ci-dessus, on représente en bleu les rayons parallèles émis par une étoile que l’on peut considérer située à l’infini. Le rayon qui passe par le centre de la lentille n’est pas dévié et détermine l’image ponctuelle de l’étoile sur le plan focal. Tous les autres rayons parallèles convergent en ce point. Il suffit de placer un capteur ou une pellicule pile-poil au plan focal pour obtenir une belle image du ciel étoilé. Une étoile qui serait dans l’axe optique donnerait une image au centre du capteur (rayons verts) car les rayons qu’elle émet arrivent sur la lentille tous parallèlement à l’axe optique.

Dans le modèle de la lentille mince le plan focal est un vrai plan. Les appareils photos type 24×36 argentiques ou numériques sont équipés de films ou les capteurs plans. Dans le Photax le film est courbé. Je n’arrive pas à trouver d’explication simple sur ce sujet.

 

La distance focale dépend de la construction de la lentille, des rayons de courbure et de l’indice de réfraction du verre employé. L’indice de réfraction est une propriété des matériaux transparents qui fait que lorsqu’on met sa jambe dans l’eau de la baignoire, on a l’impression d’avoir la jambe cassée. L’indice de réfraction dépend de la longueur d’onde de la lumière, donc de sa couleur. C’est ce qui provoque les arcs-en-ciel. Dans les appareils photo, cela provoque des aberrations chromatiques : des liserés rouges et verts lors des brusques changements de luminosité.

 

 

 

Maintenant qu’on a tout compris sur l’optique géométrique, on peut construire l’image d’un objet non situé à l’infini. On choisit un point de l’objet, représenté ci-dessus par la pointe de la flèche rouge à droite. De ce point on fait partir deux rayons lumineux :

  • celui qui passe par le centre optique et qui n’est pas dévié
  • celui qui est parallèle à l’axe optique et qui est dévié.

Ce dernier rayon est comme le rayon vert du schéma précédent ; il doit nécessairement passer par le centre du plan focal. Les deux rayons issus du point objet se coupent en un point que l’on appelle le point image, situé au-delà du plan focal, dans un plan appelé plan image car on démontre très facilement (théorème de Thalès) que la distance du plan image à la lentille ne dépend que de la distance du plan objet à la lentille et de la distance focale, mais pas de la position du point dans le plan objet – la hauteur de la flèche rouge.

Dans un appareil photo pour faire la mise au point sur un objet à distance finie, il faut déplacer le capteur en arrière du plan focal. On va plutôt déplacer la lentille que le capteur. Lors de la mise au point, plus on vise un objet proche, plus on éloigne la lentille du capteur. Au contraire, lorsqu’on vise un point à l’infini, ou très loin, on rapproche la lentille du capteur pour la placer à la distance focale.

Lorsqu’on veut faire de la macro, pour viser un point très proche, il faut beaucoup éloigner la lentille du capteur. On rajoute alors des bagues-allonge ou des soufflets.


En regardant le schéma ci-dessus on se rend compte pourquoi l’imag est inversée. On peut mieux visualiser ce qui se passe dans le Photax en remplaçant le film par du papier calque. Il faut découper un rectangle de papier calque de 6 x 8 cm et le fixer dans le Photax à la place du film avec deux bouts de scotch. Par ces jours de très beau temps, en face d’une fenêtre très éclairée, en maintenant l’appareil en pose B, on voit très bien l’image de la fenêtre sur le calque.

 

Dans le Photax, le diaphragme est placé plus d’un centimètre en arrière de la lentille.

D’après le schéma ci- dessus, en imaginant qu’une étoile à l’infini envoie un flux de rayons lumineux tous parallèles à l’axe optique, on peut imaginer que ce diaphragme est équivalent à un diaphragme placé juste devant la lentille et plus large dans le rapport de la distance focale à la distance du diaphragme au plan focal. Il me semble que c’est en fait beaucoup plus compliqué.

Le nombre d’ouverture, qui se note usuellement par exemple « f/1,4 », est défini comme le rapport de la distance focale au diamètre de la pupille d’entrée. On vient de voir que c’est aussi égal à la distance diaphragme – plan focal divisée par le diamètre du diaphragme.
La distance du diaphragme au plan focal se mesure facilement sur le Photax et vaut 77 mm

J’obtiens deux nombres d’ouverture :
A = 77mm/5mm = 15,4
B = 77mm/3mm = 25,7.
L’équipe du Club Niépce Lumière a trouvé 16 et 28. C’est tout à fait cohérent.

 

Conclusion

 

Les retraités, c’est comme les gosses, un simple tube de carton de sopalin ou un vieux riblon à 10 € suffit à les amuser. D’ailleurs, fabriquer un appareil photo avec un tube de carton de sopalin, ça c’est un vrai loisir de retraité.

 

Bibliographie

 

Le Club Niépce Lumière, association de collectionneurs d’Appareils photo et de Cinéma, a rédigé une monographie sur le Photax. Elle est en vente 35 € sur le site du Club :

  • http://www.club-niepce-lumiere.org/

L’un des auteurs, Sylvain Halgand, anime un site dédié aux appareils anciens :

  • http://www.collection-appareils.fr/

Je remercie Sylvain Halgand de m’avoir indiqué, via le forum de son site, les bonnes valeurs d’ouverture du Photax.

D’autres sites traitent du Photax :

  • http://kaftafex.free.fr/photax_6x9.html
  • http://lafillerenne.fr/blog/index.php?post/2014/05/14/Photax-III
  • http://www.galerie-photo.com/boyer-optique-objectif.html
  • http://camerapedia.wikia.com/wiki/Photax
  • http://camera-wiki.org/wiki/Photax
  • http://mattsclassiccameras.com/rangefinders-compacts/miom-photax-blinde/
  • http://www.cameraboussat.fr/dossier_collection/cible.php?id=26
  • http://camarasclassicas.blogspot.fr/2010/11/photax-blinde.html
  • http://candidcamera.free.fr/index.htm

 

4 Commentaires

  1. merci pour ce temps passé , à restituer une époque et l’histoire d’ inventeurs de matériel photo qui aujourd’hui , comme tu le dis si bien
    occupe des passionnés .

  2. Merci Gilbert.
    Heureusement que tu es là, car pour moi, « Photax » c’est le nom d’un médicament pour les intestins que je prenais quand j’étais petit. Tres intéressant article qui montre que, au delà des redemondades des fabricants actuels d’appareils photo qi nous assaillent de termes techniques et de gadgets qui ne servent pas à grand chose, les lois fondamentales ne varient pas au cours des siècles
    Du coup, je vais ressortir l’Ultrafex que j’ai eu comme cadeau pour ma communion solenelle.

  3. Bonjour,
    Je viens de retrouver dans ma cave un vieil appareil photo cadeau de mon grand-père en Centrafrique dans les années 70. Je pensais l’avoir perdu. Plus aucune inscription sur le boîtier. Sauf le mot PHOTAX sur l’étui en cuir m’a permis d’en avoir une description sur le net par l’intermédiaire de votre site.
    Merci beaucoup pour votre travail.
    Stanislas Banda

  4. Bonjour, merci et bravo pour ce magnifique travail sur les Photax.
    J’ai découvert cet appareil il y a environ 10 ans et bien qu’utilisant Rollei Flex , Leica et autres boîtiers performants j’aime utiliser le Photax pour ses gammes de gris étonnantes et sa déformation optique. Certes les résultats sont aléatoires en fonction de la lumière et du sujet, mais de temps à autres je récupère des photos pleines de poésie. JP Oriol

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